Queendom nous plonge dans l’univers de Gena Marvin, une artiste queer de 21 ans en Russie, dont les performances radicales et surréalistes défient la répression croissante du régime de Vladimir Poutine. En utilisant des objets trouvés, du maquillage et une créativité débordante, Gena crée des costumes et des créatures qui semblent issues d’un autre monde. Certaines de ses créations sont ludiques, d’autres profondément politiques, dénonçant la situation des LGBTQIA+ en Russie.
Ses performances publiques, parfois filmées, suscitent curiosité et hostilité.
À l’origine, Queendom n’était pas censé être un portrait, mais une exploration plus vaste de la scène drag en Russie. Agniia Galdanova voulait parcourir le pays pour découvrir des artistes dans des lieux inattendus : des drag queens en Sibérie, au Caucase, dans des endroits où l’on n’imaginerait jamais cette forme d’expression. C’est alors qu’elle entend parler de Gena Marvin, une figure radicalement libre au cœur de Magadan, ville symbole des heures sombres de la Russie stalinienne. Gena invite Agniia à venir sur place, pour comprendre ses origines et l’essence de son art.
Magadan, marquée par son passé sombre de goulags, est une métaphore vivante de l’oppression. Pourtant, Gena, originaire de ce lieu gelé et sombre, s’y montre pleine de vie et de courage. Lors de leur première rencontre, par -40 °C, Gena défile dans les rues en talons aiguilles et collants. Ce coming out visuel, radicalement assumé, lui vaut des attaques violentes et des menaces de mort. Mais ce n’est que le reflet d’un quotidien sous tension.
Un climat de répression croissante
Tout le film s’inscrit dans une atmosphère de peur, exacerbée par l’évolution des lois en Russie. En 2023, le gouvernement déclare le “mouvement LGBT international” comme une “organisation extrémiste”, rendant tout soutien ou visibilité extrêmement risqués. Chaque performance de Gena dans Queendom devient un acte de résistance, mais aussi un défi logistique et sécuritaire.
Pour chaque tournage, Agniia et son équipe prennent des précautions extrêmes. Ils consultent des avocats pour évaluer les risques en cas d’arrestation, identifient les hôpitaux les plus proches, et prévoient même des vêtements de rechange et des outils pour retirer rapidement tout accessoire compromettant. Dans une scène marquante où Gena évolue au milieu de barbelés, l’équipe anticipe une intervention policière. Un cameraman, équipé de rollers, capture l’essentiel avant de s’échapper avec les images lorsque Gena et Agniia se font arrêter.
Un regard intime sur les relations familiales
Mais Queendom ne se limite pas à la documentation d’une résistance publique. Le film plonge aussi dans l’intimité de Gena, en explorant sa relation complexe avec son grand-père. Ce lien, marqué par des tensions et des blessures, reflète un fossé générationnel universel : d’un côté, un homme attaché à des idées rigides et aux préjugés de son époque ; de l’autre, une jeune femme en quête d’émancipation. « C’est un film qui parle d’amour », confie Agniia Galdanova. « Un amour abîmé, parfois difficile à regarder, mais profondément humain. »
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