Durée
1H30
Année
2021
realisation
Rosine Mfetgo Mbakam
Production
Geoffroy Cernaix
Pays/Langue
Belgique, Cameroun
Où regarder ?
Bibliothèque Numérique, Univers Ciné
Delphine, comme d’autres, fait partie de cette génération de jeunes africaines broyées par nos sociétés patriarcales et livrées à cette colonisation sexuelle occidentale comme seul moyen de survie.
Ce film a récolté plusieurs distinctions prestigieuses dans des festivals importants, notamment :
» Delphine et moi sommes arrivées en Belgique la même année à deux mois d’intervalle, elle en mai 2007 pour retrouver son mari et moi en juillet pour faire des études de cinéma. Nous ne nous connaissions pas. Elle est originaire de la région anglophone du Cameroun et de ce fait, ne parle pas bien le français. Venant toutes les deux d’arriver en Belgique et n’ayant pas d’amis, un professeur de l’Insas et ami de son mari nous a mis en relation. Très vite, nous avons sympathisé et nous avons commencé à nous voir chez elle.
Delphine est coiffeuse de formation. Elle tenait un salon de coiffure au Cameroun. Ici, à Bruxelles, elle coiffe parfois chez elle pour se faire un peu d’argent. De temps en temps, elle me demandait de l’aider à coiffer et passer du temps ensemble. Au début, notre relation avait un côté nostalgique. Nous nous remémorions les souvenirs de notre pays d’origine. Elle me racontait les histoires des films nigérians qu’elle regardait à longueur de journée. Ces films imprègnent beaucoup la personnalité de Delphine. Elle se met très souvent en scène quand elle parle. Elle reprend les tournures de phrase des répliques des films nigérians et les adapte à ce qu’elle veut. Tout cela lui donne un côté parfois comique.
Notre relation a évolué au fil des années, mais ce que je sais de Delphine reste ce qu’elle veut bien que je sache et ce que je peux moi-même percevoir dans sa vie familiale ici en Belgique. Je remarque très vite que la différence d’âge entre elle et son mari pèse sur leur relation. Ce dernier a trois fois l’âge de Delphine et il la traite parfois comme une enfant. Cette situation révolte Delphine qui me l’exprime souvent dans nos échanges.
Tout au long de ma relation avec Delphine, il n’a jamais été question de faire un film. Elle savait que je faisais des études de cinéma mais jamais nous n’avons parlé de faire un film sur elle. J’ai souvent eu son soutien quand je rencontrais des difficultés dans mes études. Elle m’encourageait à ne pas abandonner et me rappelait très souvent ce pourquoi j’étais venue en Belgique.
Sept ans après notre rencontre, j’ai terminé mes études. Mon premier long métrage documentaire est en production. Je voulais mettre en place un nouveau projet que j’avais en tête depuis mon arrivée en Belgique : l’immigration africaine et l’envers du décor. Je vais voir Delphine pour qu’elle m’introduise dans la Galerie du Matongé, le quartier africain de Bruxelles, qu’elle connaît mieux que moi. Delphine me dit qu’elle a une amie dans la Galerie qui ferait l’affaire. Au même moment, Delphine me demande si je ne peux pas faire également un film sur elle. Surprise, je lui dis que je ne vois pas ce que je peux raconter sur elle et qui ferait un film. A ce moment, Delphine me fait asseoir et me livre une partie de son histoire. Je réalise alors que son histoire centralise tous les questionnements liés à nos origines communes qui m’ont amenées au cinéma et que j’avais envie d’aborder déjà au Cameroun. C’est ainsi que je comprends la nécessité que la parole de Delphine et son histoire soient entendues. »